Deux sociétés ont été condamnées pénalement en première instance à la suite d’un accident de travail pour infractions à la réglementation sur l’hygiène et la sécurité et pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de plus de 3 mois. Quelques jours après leur condamnation, les deux sociétés ont fusionné, l’une absorbant l’autre. Le lendemain, les deux sociétés ont fait appel de ces condamnations.
En appel, les juges ont déclaré que le recours de la société absorbée était irrecevable et que, par conséquent, la condamnation prononcée à son encontre était devenue définitive, alors même que l’appel de la société absorbante critiquait aussi des dispositions relatives à la condamnation de la société absorbée.
On rappelle qu’il résulte de l’article 509 du Code de procédure pénale que l’affaire est dévolue à la cour d’appel dans la limite fixée par l’acte d’appel et la qualité de l’appelant et que, en cas de contestation sur l’étendue de sa saisine, c’est au vu du seul acte d’appel qu’il lui appartient de se déterminer ; les limitations et restrictions doivent ressortir nettement des termes de l’appel (Cass. crim. 7‑4‑1976 n° 75-91.866).
La Haute Juridiction casse l’arrêt d’appel en jugeant qu’il ne résultait d’aucune mention de l’acte d’appel de la société absorbante que celle-ci avait entendu limiter l’objet ou les effets de son appel à sa seule condamnation à l’exclusion de celle relative aux faits commis par la société absorbée avant la fusion. Dans l’éventualité d’une condamnation de la société absorbante au titre des faits commis par la société absorbée devant la cour d’appel de renvoi, la Cour de cassation précise que la peine devra être motivée en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité, de la situation personnelle de chacune des deux sociétés au moment des faits et postérieurement et que l’amende éventuelle devra tenir compte des ressources et des charges de la société absorbante au moment où la cour statuera (Cass. crim. 29‑4‑2025 n° 24-81.555).
À noter. Opérant un revirement de jurisprudence, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que, en cas de fusion entre sociétés par actions réalisée à compter du 25‑11‑2020, une société absorbante peut être condamnée à une peine d’amende ou de confiscation pour une infraction commise par l’absorbée avant l’opération (Cass. crim. 25‑11‑2020 n° 18-86.955). Elle a par la suite étendu cette solution aux fusions entre SARL (Cass. crim. 22‑5‑2024 n° 23-83.180).
La présente décision tire les conséquences de la disparition de la société absorbée et de la possibilité de condamner la société absorbante pour des faits commis par celle-ci. Elle applique une jurisprudence constante relative à l’étendue de l’appel pénal à la situation particulière résultant de la réalisation d’une fusion au cours d’un procès où tant la société absorbante que la société absorbée ont été condamnées en première instance. Les règles de détermination des peines d’amende sont également adaptées à la situation résultant de la fusion. Alors que leur montant doit être fixé en tenant compte des ressources et des charges de l’auteur de l’infraction (C. pén. art. 132-20), la chambre criminelle précise que c’est en fonction des ressources et des charges de la seule société
absorbante qu’il y a lieu de se prononcer, y compris pour les faits commis par la société absorbée.
