“L’orientation de ces entités [structures et réseaux pluridisplinaires de plus de 150 M€ de chiffre d’affaires] vers des activités autres que purement d’audit et d’expertise se développe d’année en année”. Tel est l’un des constats dressé dans l’édition 2025 du célèbre classement du magazine La profession comptable. Au point que, si on y ajoute “leur poids économique global qui a encore augmenté de manière importante […], ces progressions illustrent un mouvement tectonique de plaques conduisant certains acteurs majeurs du secteur à poursuivre la diversification de leurs activités”, résume Stéphane Raynaud dans son édito.
Selon lui, la tendance à la diversification se manifeste aussi dans les structures (et leurs filiales) de moins de 150 M€ de chiffres d’affaires retenues pour ce classement. Ainsi, davantage d’entre elles déclarent réaliser des activités non réglementées. Elles sont 54 à le faire contre 48 l’année précédente. De plus, ces activités frôlent, pour la saison 2023/2024 qui sert de base à ce classement 2025, 200 millions d’euros de chiffre d’affaires contre 159 M€ l’année précédente, soit une hausse d’environ un quart alors que les activités réglementées, c’est-à-dire d’expertise comptable et de commissariat aux comptes, ont progressé “seulement” de 9 %.
Ces symptômes peuvent toutefois être relativisés. Notamment parce que la part susceptible d’être considérée comme de la diversification n’a pas beaucoup progressé ces dernières années. Il lui arrive même parfois de diminuer. Ainsi, “le réglementé enregistre une hausse passant à 61,9 % sur l’exercice 2024 (contre 58,3 % l’an passé) pour les structures de plus de 150 M€”. Il s’élevait à 64 % dans le classement 2021. Pour les structures de moins de 150 M€, la part est de 88,1 % (classement 2025) contre 92 % (classement 2021).
Ensuite, une question de fond se pose, celle de la définition de la diversification. Comme nous l’avons déjà évoqué, deux approches existent. La diversification peut être perçue comme l’élargissement de la gamme des activités et/ou des marchés auxquels une entreprise se consacre (voir Le Larousse). Il existe aussi une définition plus restrictive, celle issue de la matrice d’Ansoff. Selon ce professeur russo-américain, la stratégie de diversification se manifeste par deux caractéristiques : 1) le lancement d’un nouveau produit et 2) sur un nouveau marché. Pour un expert-comptable offrant les services coeur de métier (comptabilité, fiscalité et social) exclusivement à des TPE, cela pourrait se manifester, par exemple, par le déploiement d’une offre — nouvelle donc — d’aide au pilotage à des PME. Si l’on retient cette deuxième approche, cela limite le potentiel de diversification des cabinets comptables. Et les deux définitions renvoient à un sujet qui est difficile à apprécier à l’échelle globale de la profession comptable puisqu’il faudrait, idéalement, analyser la stratégie de chaque structure d’exercice professionnel. Une offre d’aide au pilotage peut relever d’une nouveauté pour un cabinet mais de la continuité pour un autre.
D’autres éléments peuvent perturber, voire biaiser, l’analyse. Ainsi, une activité non réglementée (au plan juridique) telle que la paie peut être réalisée via une structure inscrite à l’Ordre des experts-comptables — ce qui peut ainsi, dans la logique du classement de La profession comptable, “assimiler” au plan économique la paie à une activité réglementée — comme via une structure qui ne l’est pas mais qui appartient à un groupe contrôlé par un expert-comptable — ce qui peut alors “assimiler” au plan économique la paie à une activité non réglementée. Enfin, un cabinet peut fournir des services non traditionnels sans pour autant les facturer distinctement, ce qui les rend alors “invisibles”. La mesure de la diversification de la profession comptable reste un exercice délicat.
