Un sésame, un atout, une fierté…. Les diplômés d’expertise comptable salariés en entreprise ne tarissent pas d’éloges sur le Dec, qu’ils ont passé jadis et qui reste pour eux un marqueur fort. Le symbole d’efforts, de rigueur et d’une certaine appartenance à une grande famille, même s’ils ont quitté le monde des cabinets. “Avoir passé le Dec est un investissement payant sur le long terme, reconnaît Charles Lingat, «Director of Accouting and Tax» dans la société de cabinets dentaires Colosseum Dental Group. Ce que vous apprenez en entreprise, vous l’apprenez 4 fois plus vite en cabinet, du fait de la variété des dossiers et du rythme. Et une fois que vous avez beaucoup appris au sein du cabinet, l’entreprise vous apporte autre chose, de très concret et ciblé”.
Ce natif de Lorraine installé en région parisienne au moment de son Dec a choisi de revenir sur ses terres et de rejoindre une entreprise de bâtiment après son diplôme. “C’était un vrai challenge car, contrairement au cabinet comptable, une grosse entreprise nécessite d’appréhender une organisation dans son ensemble. A tous les niveaux, vous tendez vers la réalisation finale d’un projet d’entreprise, vous participez à sa valeur ajoutée. Et dans le BTP, vous touchez du doigt les ouvrages – ponts, infrastructures – que votre société a bâtis”.
Laurence Branthomme, CFO (chief financial officer : directrice financière) et en charge des opérations chez Eurazeo, groupe d’investissement européen, se remémore ses débuts en entreprise, après avoir quitté EY où elle était «senior manager», il y a plus de 20 ans : “Je pensais bien connaître le fonctionnement interne d’une entreprise mais la réalité était très différente de ce que j’imaginais. Manager des collaborateurs, avoir affaire à des collègues d’horizons et parcours divers, devoir convaincre des pairs qui ne connaissent pas votre métier… Tout cela s’apprend au fil du temps”. Le métier même de directeur financier est très vaste, comme le souligne Mme Branthomme : “La partie comptabilité ou contrôle interne est infime, comparée à la gestion de trésorerie (avec potentiellement du recouvrement), au budget, sans parler du reporting quand vous êtes dans un groupe international”.
Si, en cabinet d’expertise comptable ou d’audit, tous les managers sont formés à l’identique et parlent le même langage, l’entreprise nécessite de déployer de la pédagogie et de la persuasion, notamment au Codir, pour emporter l’adhésion et faire avancer ses idées. Autre cas de figure : rejoindre une petite société permet de «grandir» avec elle. C’est ce qu’a vécu Emmanuelle Linlaud, Daf de Nutravalia, fabricant de produits cosmétiques : “En 2015, nous étions une start-up, avec uniquement les deux associés et moi-même. J’ai touché à tout, depuis la facturation jusqu’aux RH en passant par les finances, les achats, et même le standard ! Nous sommes aujourd’hui 100 personnes et les différents services sont désormais structurés. Ce fut un parcours très riche, pour lequel le Dec, les connaissances acquises, la rigueur qui en découle, m’ont beaucoup aidée”.
Les détenteurs du Dec qui se lancent en entreprise déploient donc une grande agilité, une curiosité et une soif d’apprendre qui leur permettent d’avancer. Et leurs réflexes issus de cabinet leur font porter un regard différent sur leurs prestataires Cac ou expert-comptable, quand ils y ont affaire. “Je connais les contraintes des professionnels du chiffre, sourit Emmanuelle Linlaud. J’évite de solliciter mon cabinet comptable pour une broutille en période fiscale ! Quant aux auditeurs, ils sont contents de venir, l’ambiance est détendue, je ne les vois pas comme des contrôleurs”. La loi Pacte de 2019 a créé le statut d’expert-comptable en entreprise, reconnu par l’OEC (Ordre des experts-comptables) qui accorde aux diplômés la possibilité de s’inscrire au tableau dans une liste dédiée et donc d’être informés sur l’évolution de la profession, de se former, de participer aux événements tels que le Congrès annuel. “Nous faisons vivre ce lien très important avec la profession via notre association ECE, expert-comptable en entreprise”, précise Charles Lingat qui en est le responsable pour l’Ile-de-France. Laurence Branthomme est pour sa part impliquée dans l’association des directeurs financiers et de contrôle de gestion. Garder le contact avec leurs pairs pour appréhender l’évolution et les enjeux de leur métier reste, pour les professionnels interrogés, une nécessité.
