1. La loi contre toutes les fraudes aux aides publiques intègre des dispositions relatives au démarchage téléphonique qui figuraient initialement dans une proposition de loi dédiée (proposition de loi AN n° 782 relative à l’interdiction du démarchage téléphonique non consenti et pour une protection renforcée des consommateurs contre les abus, adoptée par le Sénat le 14 novembre 2025 [texte n° 24] et par l’Assemblée nationale le 6 mars 2025 [texte n° 59]).
2. La loi nouvelle (loi n° 2025-594) est entrée en vigueur le 2 juillet 2025 (lendemain de sa date de publication au Journal officiel). Certaines mesures, dont l’essentiel de celles qui concernent l’encadrement du démarchage, sont cependant d’application différée. Nous les signalons dans les développements ci-dessous.
Interdiction du démarchage par téléphone en l’absence de consentement du consommateur
Exigence du consentement
3. Le texte actuel (C. consom. art. L 223-1) permet au consommateur ne souhaitant pas faire l’objet de prospection commerciale par téléphone de s’inscrire sur une liste d’opposition (la liste Bloctel), de sorte qu’en l’absence d’opposition de sa part le démarchage téléphonique est en principe autorisé (système d’opt-out).
A l’avenir, il appartiendra au contraire au professionnel de recueillir le consentement du consommateur avant toute prospection commerciale (C. consom. art. L 223-1 al. 1 modifié, système d’opt-in).
Il sera ainsi interdit au professionnel de démarcher un consommateur qui n’a pas exprimé préalablement son consentement. Ces dispositions entreront en vigueur le 11 août 2026 (Loi art. 13, III). Un décret doit cependant en préciser les modalités d’application (C. com. art. L 223-1 dernier al. modifié).
4. La loi définit le consentement comme “toute manifestation de volonté libre, spécifique, éclairée, univoque et révocable par laquelle une personne accepte, par un acte positif clair” (C. consom. art. L 223-1, al. 2 modifié). Cette rédaction permet d’assurer la compatibilité du dispositif avec l’exigence d’un consentement spécifique prévue par le règlement général sur la protection des données (Règl. 2016-679 du 27-4-2016, dit «RGPD», art. 4).
En outre, ce sera au professionnel de prouver que le consentement du consommateur a été recueilli dans les conditions précédemment énoncées (C. consom. art. L 223-1, al. 2 modifié).
5. Comme aujourd’hui pour le consommateur inscrit sur la liste Bloctel (C. com. art. L 223-1 al. 2), le professionnel pourra démarcher par téléphone un consommateur n’ayant pas consenti à l’être lorsque la sollicitation interviendra dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours et aura un rapport avec l’objet de ce contrat, y compris lorsqu’il s’agira de proposer au consommateur des produits ou des services afférents ou complémentaires à l’objet du contrat en cours ou de nature à améliorer ses performances ou sa qualité (C. com. art. L 223-1 al. 4 modifié).
Le démarchage téléphonique ne sera donc possible qu’à deux conditions alternatives :
– si le consommateur a exprimé son consentement “libre, spécifique, éclairé, univoque, révocable” ;
– lorsque l’appel portera sur un contrat en cours.
Déontologie du démarchage
6. La sollicitation d’un consommateur à des fins de prospection commerciale par voie téléphonique non sollicitée n’est autorisée qu’à certains horaires : du lundi au vendredi, sauf lorsque ces jours sont fériés, et seulement de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 20 heures (C. consom. art. L 223-1 et D 223-9, al. 1).
La loi contre les fraudes aux aides publiques précise que cette interdiction ne s’appliquera pas si le consommateur a expressément consenti à être appelé à une date ou une heure spécifiées et que le professionnel peut en attester (C. consom. art. L 223-1 modifié, al. 6). Cette possibilité était déjà prévue par l’article D 223-9 du Code de la consommation.
Recueil des données téléphoniques
7. Le professionnel recueillant les données téléphoniques d’un consommateur devra informer celui‑ci que toute sollicitation téléphonique effectuée à des fins commerciales, sauf si elle intervient dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours, suppose son consentement préalable. Par ailleurs, lorsque le recueil de données téléphoniques aura lieu à l’occasion de la conclusion d’un contrat, le contrat devra mentionner, de manière claire et compréhensible, qu’il est interdit de démarcher par téléphone un consommateur sans son consentement préalable (C. consom. art. L 223-2 nouveau).
Lorsque le consommateur s’opposera à poursuivre la conversation avec un professionnel, celui-ci devra mettre fin sans délai à l’appel et devra s’abstenir de le recontacter (C. consom. art. L 221-16).
Sanctions
8. Rappelons que le contrat conclu avec un consommateur à la suite d’un démarchage téléphonique réalisé en violation de ces dispositions est nul (C. consom. art. L 223-1, non modifié par la loi). Le professionnel encourt par ailleurs une amende administrative d’un montant maximal de 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale (C. consom. art. L 242-16).
Vente ou service subordonné à l’obtention du consentement au démarchage téléphonique
9. Il sera interdit de subordonner la vente d’un bien ou la fourniture d’un service au consentement du consommateur au démarchage téléphonique, sans lui permettre d’acheter le bien ou d’obtenir la fourniture du service séparément (C. consom. art. L 121-11, al. 3 modifié). Le non-respect de cette interdiction sera passible d’une amende contraventionnelle de 1 500 € (3 000 € en cas de récidive) pour une personne physique et 7 500 € (15 000 € en cas de récidive) pour une personne morale (C. consom. art. R 132-2 et C. pén. 131-41).
Cette mesure est entrée en vigueur le 2 juillet 2025, mais ne sera applicable qu’à compter du 11 août 2026, lorsque l’interdiction du démarchage téléphonique en l’absence de consentement du consommateur le sera.
Extension de l’interdiction de la prospection commerciale
10. Le Code de la consommation interdit de manière générale la prospection commerciale par téléphone ayant pour objet la vente d’équipements ou la réalisation de travaux pour des logements en vue de la réalisation d’économies d’énergie ou de la production d’énergies renouvelables, à l’exception des sollicitations intervenant dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours et ayant un rapport avec l’objet de ce contrat (C. consom. art. L 223-1, al. 4).
A compter du 11 août 2026 (loi art. 13, III), cette interdiction concernera de nouveaux contrats et secteurs ; notamment, sont visées non seulement les ventes d’équipements et la réalisation de travaux mais également les offres de prestation de services portant sur ces secteurs ; sera également interdit le démarchage pour des prestations ayant pour objet l’adaptation des logements au vieillissement ou au handicap (art. L 223-1, al. 3 modifié).
11. La loi contre les fraudes aux aides publiques étend par ailleurs l’interdiction de démarchage concernant ces secteurs à la prospection par message sur un service de communications interpersonnelles (SMS), par courriel ou sur les réseaux sociaux (C. consom. art. L 223-8 nouveau). En l’absence de dispositions transitoires particulières, cette interdiction est applicable depuis le 2 juillet 2025.
12. En cas de manquement à ces dispositions, le professionnel encourt une amende de 75 000 € (350 000 € s’il est une personne morale). Par ailleurs, le contrat conclu en violation de cet article est nul (C. consom. art. L 242-16-1 nouveau).
Les sanctions en cas d’abus de faiblesse sont renforcées
13. La nouvelle loi renforce les sanctions applicables au délit d’abus de faiblesse lorsqu’il est commis à la suite d’un démarchage téléphonique (cf. C. consom. art. L 121-9, 1o) : le montant de l’amende sera dans ce cas porté à 500 000 € et la durée d’emprisonnement à cinq ans pour les personnes physiques contre 375 000 € d’amende et trois d’emprisonnement aujourd’hui ; pour les personnes morales, le montant maximal reste le même que dans les autres cas d’abus de faiblesse (10 % du chiffre d’affaires moyen annuel sur une période de trois ans) (art. L 132-14-1 nouveau).
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